C’est une histoire qui pourrait bien se répéter ailleurs en terres fribourgeoises ces prochaines années. Celle de l’entreprise Bossy Céréales, dans le village de Cousset à Montagny, qui voit son projet d’extension buter contre la nouvelle Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), entrée en vigueur en mai dernier. Celle-ci implique que toute nouvelle mise en zone soit compensée par un dézonage ailleurs dans le canton.

Ce point pose problème à l’entreprise broyarde, productrice de denrées alimentaires à base de céréales, car celle-ci prévoit d’investir 17 millions pour la construction d’un nouveau bâtiment sur une parcelle voisine de son site actuel. Une telle extension lui permettrait de quadrupler son rendement et de passer de 20 à 80 postes de travail.

Villeneuve, l’espoir

Le hic? La parcelle en question se trouve en surface d’assolement. Situation ironique si l’on sait que le terrain se trouvait encore en zone industrielle avant la dernière révision du plan d’aménagement local, entrée en force en 2013. Jusque-là, Montagny était en surdimensionnement.

Mais le directeur de Bossy Céréales, Simon-Pierre Kerbage, n’est pas homme à baisser les bras. Face aux nouvelles exigences de la LAT, appuyé par les autorités de Montagny et le canton, il a fait une offre pour le rachat de 10 000 m2 de potentiel constructible à la commune toute proche de Villeneuve, laquelle se trouve en situation de surcapacité et devra immanquablement dézoner.

«Rien n’est encore signé», précise le directeur qui ne souhaite pas mentionner le prix de ce possible rachat de zones. Avant qu’un changement d’affectation ne puisse se réaliser, les deux communes concernées devront soumettre leur dossier simultanément auprès du Service des constructions et de l’aménagement (Seca) du canton de Fribourg.

«Je me suis fait avoir deux fois dans cette histoire. La première fois lorsque j’ai dû dézoner mes 17 000 m2 de terrain, ce qui équivaut à une perte d’une valeur de trois millions de francs, et la deuxième en devant racheter ces zones auprès d’une autre commune», explique Simon-Pierre Kerbage. A la tête de Bossy Céréales depuis 1999, il espère que les choses ne traîneront pas. «J’ai déjà mandaté plusieurs ingénieurs pour ce projet.»

Du côté de Villeneuve, les autorités restent discrètes. «Nous devons nous déterminer sur cette proposition. Plusieurs offres nous ont été faites. Certaines proviennent d’autres districts», précise son syndic Jean-Pierre Gorret, ajoutant que Villeneuve possède environ 50 000 m2 de zone industrielle. «Une partie devra être dézonée.» Les tarifs en vigueur pour le rachat d’une zone ne dépassent pas 30 francs le m2 selon lui.

« Contraints de dézoner »

« Montagny se trouvait en surcapacité et nous avons été contraints de dézoner plusieurs terrains dans le cadre de la dernière révision du PAL », explique pour sa part Hubert Oberson, syndic de Montagny. « Nous n’avons pas versé d’indemnités à la société lésée, mais nous l’avons appuyée dans toutes ses démarches», soutient-il, ajoutant qu’avant l’entrée en vigueur de la nouvelle LAT, « le conseiller d’Etat Maurice Ropraz s’était engagé à remettre la parcelle de Bossy Céréales en zone le jour où l’entreprise arriverait avec un projet d’extension concret. »

Sans confirmer ni infirmer s’être engagé, le chef de la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (DAEC) de l’Etat de Fribourg rappelle que c’est aux communes que revient la compétence du développement de leur aménagement. La DAEC ne joue qu’un rôle d’information et de soutien dans les démarches, indique Maurice Ropraz.

« Nous avons eu beaucoup de discussions avec la commune et l’entreprise concernée », continue le chef de la DAEC. Le fait que la parcelle en question se trouve aujourd’hui sur des surfaces d’assolement complique la donne, précise-t-il. « Le canton de Fribourg ne satisfaisant pas aux exigences fédérales, cela signifie qu’aucune mise en zone n’est pour l’heure possible sur ces surfaces. La Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts est actuellement en discussion avec Berne à ce sujet », ajoute le conseiller d’Etat.

Une étude reste à Faire

Le préfet de la Broye fribourgeoise Christophe Chardonnens, avec l’Association des communes de la Broye fribourgeoise (Ascobroye), prévoit de mandater un bureau d’ingénieurs en vue de dresser un état des lieux du potentiel constructible actuel du district. Cette décision fait suite aux résultats d’un questionnaire envoyé aux communes, les interrogeant sur leurs vues en matière d’aménagement du territoire. «Les réponses ont montré que nous manquions de données suffisamment précises sur le potentiel broyard», indique Christophe Chardonnens.

A l’exemple de ce qui se fait en Gruyère, cette étude pourrait permettre aux communes de mettre sur pied une stratégie d’aménagement du territoire à l’échelle du district. Car avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) en 2014 et jusqu’à la fin du moratoire en 2019, toute nouvelle mise en zone doit être compensée par un dézonage de surface équivalente ailleurs dans le canton. Plusieurs districts craignent ainsi que leurs zones ne quittent leurs frontières. PK